Guide d'action parlementaire à l'appui du désarmement, pour la sécurité et le développement durable

Désarmement, climat et développement durable

Cette section porte sur les effets positifs du désarmement en matière de politique climatique et de développement durable. Le désarmement peut, par exemple, contribuer à réduire les émissions de carbone des armées au niveau mondial, à protéger les moyens de subsistance et l’environnement matériel des populations, sans oublier les avantages financiers que la réduction des budgets militaires représente pour les économies et pour le développement durable.

Le désarmement est essentiel au développement durable (voir l’encadré 1). C’est la raison pour laquelle il convient de l’inclure dans les discussions, débats et forums sur les ODD. Le désarmement est particulièrement important pour la protection du climat. La fabrication des armes et les opérations militaires sont, en effet, responsables d’au moins 5 % des émissions de carbone à l’échelle mondiale. Les forces armées des États-Unis émettent, à elles seules, plus de carbone que la plupart des pays du monde, y compris des pays industrialisés comme la Suède, la Suisse ou la Norvège (voir les études (en anglais) menées sur la consommation de carburant du Pentagone et sur les émissions de CO2 de l’armée américaine). En outre, le déploiement militaire et les conflits armés entre nations sont souvent liés à la protection des réserves de pétrole dont l’emploi va de pair avec une économie axée sur des combustibles fossiles qui détériorent le climat. Enfin, les énormes budgets et investissements ainsi que le capital humain qui sont consacrés à la production d’armes et aux armées grèvent les ressources nécessaires à la lutte contre les changements climatiques et à la réalisation des ODD.

Recommandations

Ce que les parlementaires peuvent faire :

  • veiller à ce que les questions et les objectifs de désarmement soient pris en compte dans les forums nationaux et internationaux sur la lutte contre les changements climatiques et sur la réalisation des Objectifs de développement durable ;
  • exiger des Ministères de la défense qu’ils évaluent l’empreinte carbone des armées et élaborent des plans de réduction de ces émissions ;
  • envisager des moyens de réduire les budgets de la défense afin de dégager des ressources pour la lutte contre les changements climatiques et pour le développement durable ;
  • élaborer des politiques ou des directives à l’intention des fonds souverains et des autres institutions financières gérant des fonds publics afin qu’ils arrêtent d’investir dans la fabrication d’armes controversées (armes nucléaires, mines, armes à sous-munitions) pour donner la priorité aux investissements ayant un impact sur la protection du climat et le développement durable ;
  • appuyer des programmes de reconversion économique pour protéger l’emploi et la cohésion sociale en cas de coupes dans les dépenses de la défense ou des forces armées.
Izumi Nakamitsu, Haute-Représentante de l'ONU pour les affaires de désarmement. Photo : Mark Garten (Service photographique de l'ONU)
Dépenses militaires, changements climatiques et développement durable

En 2020, nous entamons le compte à rebours des dix dernières années restant pour réaliser les ODD. En jugulant les dépenses militaires incontrôlées, nous pourrions déjà dégager une grande partie des ressources humaines, financières et technologiques qui sont nécessaires de toute urgence pour que cette « décennie d’action » permette de transformer le monde. Selon les estimations, les mesures à prendre pour contrer les effets dévastateurs des changements climatiques dans les pays en développement sont de l’ordre de 56 à 73 milliards de dollars par an. Si dix pour cent seulement des dépenses militaires mondiales étaient affectées à la réalisation de l’ODD 13 sur l’action climatique, cela suffirait à couvrir plusieurs fois les coûts des mesures à prendre par les pays en développement pour s’adapter aux changements climatiques.

À l’occasion des Journées mondiales d’action sur les dépenses militaires, je fais écho à l’appel récemment lancé par le Secrétaire général en faveur d’un cessez-le-feu mondial au vu de la crise sanitaire actuelle. Je renouvelle aussi mon propre appel à la communauté internationale pour que les ressources mondiales, qui sont limitées, soient réorientées vers la promotion du bien-être de tous les citoyens et la recherche de la paix et de la sécurité mondiales au bénéfice de tous. Mettons l’humanité au centre de notre système de sécurité.

Izumi Nakamitsu, Haute-Représentante de l’ONU pour les affaires de désarmement, le 9 avril 2020.

Accords internationaux

Exemples de bonnes pratiques parlementaires

Reconversion économique : le Congrès américain et la fermeture de bases militaires (Public Law 101–510)

À la fin des années 1980, tandis que la détente s’installe entre l’URSS et les États-Unis, le Gouvernement américain entame un programme de réduction des forces armées et de fermeture de bases militaires. Cette tendance s’accentue au moment de la dissolution de l’URSS qui marque la fin à la guerre froide. Pour protéger l’emploi et les intérêts économiques des collectivités concernées, le Congrès américain adopte des programmes de reconversion économique pour accompagner ces fermetures. La loi adoptée en 1990 sous la référence Public Law 101–510 est un bon exemple de ces mesures. Ces programmes de reconversion économique ont non seulement permis de sauvegarder l’emploi et l’activité économique, ils ont aussi apporté des avantages sociaux aux collectivités.

Plusieurs projets de réaffectation des bases militaires ont fait appel à des techniques de « croissance intelligente ». Ainsi, l’ancienne base aérienne de Lowry, à la périphérie de Denver, a été transformée en une collectivité florissante qui honore son histoire militaire par l’entremise d’un centre de formation comprenant plusieurs établissements d’enseignement. Les logements, les magasins, les bureaux et les parcs qui y ont été aménagés ont dynamisé l’ensemble du secteur. L’ancien centre d’entraînement naval d’Orlando s’appelle désormais Baldwin Park. L’aménagement de ce nouveau quartier, salué par différents prix, a été conçu pour créer un sentiment de bien-être collectif, avec l’implantation de nouveaux logements, la préservation d’un précieux habitat écologique, l’installation de commerces et de bureaux – le tout à seulement trois kilomètres du centre-ville d’Orlando.

Exemples tirés de Turning Bases into Great Places: New life for closed military facilities, US Environmental Protection Agency, 2006

Parlement du Royaume-Uni : événement en faveur de la diversification de la défense et du désarmement nucléaire

Le 26 juin 2018, Fabian Hamilton, parlementaire et membre du « cabinet fantôme » chargé de la paix et du désarmement, a organisé un événement à la Chambre des Communes britannique à l’occasion de la publication d’un rapport sur les possibilités de reconversion économique de l’industrie britannique des armes nucléaires. Ce rapport, intitulé Defence Diversification: International learning for Trident jobs, analyse des exemples de diversification de la défense et des projets de reconversion menés dans le monde et en propose des applications au Royaume-Uni. Il expose les possibilités de reconversion et de transfert à d’autres secteurs de l’économie des compétences, emplois, technologies et infrastructures consacrés aux armes nucléaires, soulignant le bénéfice net qu’en tirerait le Royaume-Uni.

L’abandon du programme Trident ne fait pas encore partie du programme du Parti travailliste. Ne serait-il pourtant pas préférable que le Royaume-Uni réoriente les compétences et les capacités industrielles qui servent une arme de mort et de destruction massive pour les employer à améliorer la vie ? Je suis résolu à travailler à l’abandon des armes nucléaires, mais dans le même temps à protéger l’emploi.

Fabian Hamilton, parlementaire (le 26 juin 2018)

Désinvestissement des armes atomiques : Nouvelle-Zélande, Norvège et Suisse

Les parlements et les gouvernements d’au moins quatre pays (Lichtenstein, Nouvelle-Zélande, Norvège et Suisse) ont adopté des mesures visant à réduire les investissements dans l’industrie des armes nucléaires. En Nouvelle-Zélande, ces mesures s’appliquent à la banque nationale (Kiwi Bank) et aux fonds gérés par l’État (Commission d’indemnisation des accidents, Caisse de retraite, Fonds pour l’éducation à la paix et au désarmement et Fonds de préservation du Pacifique). En Norvège, les mesures s’appliquent au Fonds de pension gouvernemental-étranger (Statens pensjonsfond Utland). En Suisse, à la suite de l’adoption en 2012 de la Loi fédérale sur le matériel de guerre, la plupart des fonds de pension du pays se sont désinvestis de l’industrie des armes nucléaires. Après ces désinvestissements, la performance financière des fonds est restée élevée et n’a aucunement été lésée par ces mesures.

Etats-Unis : Loi sur une approche plus intelligente des dépenses nucléaires (SANE)

Le 30 octobre 2019, le sénateur américain Ed Markey et le membre de la Chambre des représentants Earl Blumenauer ont présenté au Congrès une nouvelle proposition de loi sur une approche plus intelligente des dépenses nucléaires (Smarter Approach to Nuclear Expenditures ou SANE). Cette loi vise à améliorer la sécurité et la santé budgétaire du pays en réduisant les programmes d’armes nucléaires, qui sont inutiles et nuisibles. Elle prévoit de réduire de 75 milliards de dollars le budget consacré aux armes nucléaires sur les dix prochaines années. Une loi en ce sens a été présentée à chaque nouveau Congrès américain depuis 2014 sans, pour le moment, recueillir le soutien nécessaire à son adoption.

Les États-Unis devraient consacrer des fonds à l’éducation, pas à l’anéantissement général ; notre avenir en dépend. La définition des priorités budgétaires de l’Amérique requiert un certain discernement, et l’idée d’accumuler et d’améliorer des armes nucléaires défie tout bon sens. La loi SANE prévoit de réduire les dépenses consacrées à des armes nucléaires et à des lanceurs dont nous n’avons aucun besoin pour investir dans des personnes et des programmes qui feront de l’Amérique un pays sûr et prospère.

Le sénateur Ed Markey

 

Campagne de comptage des fonds consacrés aux armes nucléaires

Le 18 octobre 2016, l’Union interparlementaire a organisé une manifestation à l’occasion du lancement de la campagne internationale Move the Nuclear Weapons Money dont le but est de réduire les budgets consacrés aux armes nucléaires, mettre fin aux investissements dans l’industrie des armes nucléaires et réorienter ces ressources au profit de la protection du climat et du développement durable. La campagne comprend une sensibilisation du public ainsi que des actions de politique et de plaidoyer. Elle fait fond sur des travaux menés précédemment par les organisations partenaires et les développe. Elle appuie en outre la campagne mondiale de désinvestissement des combustibles fossiles, dans le but de favoriser un transfert des investissements de l’industrie des combustibles fossiles vers celle des énergies renouvelables.

Ressources

Cette page fait partie du guide d'action parlementaire "Défendre notre avenir commun".
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