Guide d'action parlementaire à l'appui du désarmement, pour la sécurité et le développement durable

Droit international humanitaire, droit de la paix, droit des droits de l’homme et désarmement

ENCADRÉ 4

Droit international humanitaire

Le droit international humanitaire (DIH) régit les actions des États dans la conduite de la guerre ; il sert en particulier à protéger les civils et les autres personnes non-combattantes des effets de la guerre. Il constitue un important volet du droit international des conflits armés.

Les principes fondamentaux du DIH sont énoncés dans des traités ratifiés par de nombreux pays, comme les Conventions de Genève de 1949, les Protocoles de Genève de 1977 et la Convention sur certaines armes classiques de 1980 (ou Convention sur les armes inhumaines). Ils sont intégrés dans le droit militaire de la plupart des pays et acceptés en tant que dispositions contraignantes du droit international, applicables en temps de guerre, y compris par les États qui ne sont pas parties aux traités internationaux pertinents. Ces principes sont les suivants :

  • la distinction il est interdit d’attaquer des civils et autres personnes non-combattantes, ainsi que des infrastructures civiles ;
  • la discriminationil est interdit de mener des attaques susceptibles de nuire sans discrimination à des civils ou d’autres personnes non-combattantes ainsi qu’à des infrastructures civiles ;
  • l’humanitéil est interdit d’infliger des souffrances inutiles et des blessures superflues aux combattants ;
  • la protection de l’environnementil est interdit d’attaquer l’environnement en guise de représailles ou de causer des dommages étendus, durables et graves à l’environnement.

Droit de la paix et de la sécurité

Le droit international humanitaire concerne principalement les lois régissant les conflits armés une fois qu’ils sont engagés (jus in bello), mais il existe aussi une législation sur la paix et la sécurité régissant l’autorité requise pour s’engager dans un conflit armé (jus ad bellum). Ce droit est, en premier lieu, codifié par la Charte des Nations Unies, dans ses articles 2, 33 à 38 et 51. L’article 2 interdit la menace ou l’emploi de la force et exige des États qu’ils règlent les conflits internationaux par des moyens pacifiques. Les articles 33 à 38 exposent les méthodes et les mécanismes que les États et le Conseil de sécurité se doivent d’adopter pour régler les conflits de manière pacifique. L’article 51 précise la circonstance exceptionnelle dans laquelle les États sont autorisés à recourir à la force, à savoir en réponse à une attaque, tant que le Conseil de sécurité n’a pas pris de mesures pour rétablir la paix et la sécurité.

Droit des droits de l'homme

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) est un important traité des droits de l’homme qui compte 172 États parties, parmi lesquels tous les États dotés de l’arme nucléaire à l’exception de la Chine. L’article 6, alinéa 1 du Pacte dispose ce qui suit : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. »

Le 30 octobre 2018, le Comité des droits de l’homme de l’ONU, organe établi par le PIDCP, a adopté l’Observation générale n° 36 sur le droit à la vie énoncé à l’article 6. Le Comité y affirme que le droit à la vie « recouvre le droit des personnes de ne pas subir d’actes ni d’omissions ayant pour but de causer, ou dont on peut attendre qu’ils causent, leur décès non naturel ou prématuré, et de vivre dans la dignité » et qu’il s’agit d’un « droit suprême auquel aucune dérogation n’est autorisée, même dans les situations de conflit armé et autres situations de danger public exceptionnel menaçant l’existence de la nation ». Ce droit est « la condition indispensable de la jouissance de tous les autres droits de l’homme ».

Application au désarmement du droit international humanitaire, du droit de la paix et du droit des droits de l'homme

Le DIH, le droit de la paix et de la sécurité et le droit des droits de l’homme s’appliquent généralement aux méthodes de guerre et à l’emploi des armes, sans spécifier d’interdictions de production ou de possession d’armes ni d’obligations de désarmement.

Il est cependant de règle qu’un système d’armes dont l’emploi aurait pour effet général de violer le DIH ou le droit des droits de l’homme, doit être interdit et éliminé. Ce lien entre droit des droits de l’homme ou droit international humanitaire et désarmement est reconnu dans de nombreux traités, ainsi que par la Cour internationale de justice et par le Comité des droits de l’homme. Il est également mentionné, à diverses reprises, dans le programme de désarmement du Secrétaire général de l’ONU.

Le préambule de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) note, par exemple, que les dispositions du droit international humanitaire établissent un fondement pour « interdire ou limiter davantage l’emploi de certaines armes classiques […] en vue de mettre fin à la production, au stockage et à la prolifération de ces armes ».

L’Observation générale n° 36 du Comité des droits de l’homme, qui stipule que le recours ou la menace de recours à des armes de destruction massive représenterait une violation du droit à la vie, conclut qu’en conséquence « les États parties doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la prolifération d’armes de destruction massive, y compris pour en empêcher l’acquisition par des acteurs non étatiques, s’abstenir d’élaborer, de fabriquer, de tester, d’acquérir, de stocker, de vendre, de transférer et d’utiliser de telles armes, détruire les stocks existants, et prendre des mesures adéquates de protection contre leur usage accidentel, tout cela conformément à leurs obligations internationales ».

La Cour internationale de justice, dans son avis consultatif de 1996 sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, affirme que « la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés, et spécialement aux principes et règles du droit humanitaire », et conclut à l’unanimité qu’« il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace ».

Le programme de désarmement du Secrétaire général de l’ONU note qu’« afin de rendre les règles générales du droit international plus claires et intelligibles, la communauté internationale s’est également employée à progressivement codifier et élaborer des règles visant à interdire certains types d’armes ou à leur appliquer des restrictions, en raison des conséquences disproportionnées, incontrôlables et inhumaines qu’elles ont ». C’est ce qui a mené à l’établissement de traités internationaux d’interdiction des armes biologiques, chimiques et nucléaires, des mines terrestres et des armes à sous-munitions, ainsi qu’à l’ajout à la CCAC d’un protocole relatif aux armes à laser aveuglantes.

Autre application au désarmement nucléaire du droit international humanitaire et du droit des droits de l'homme

Les États dotés d’armes nucléaires et leurs alliés reconnaissent que le droit international humanitaire s’applique à l’emploi des armes nucléaires comme à tout autre acte de guerre. C’est une base d’argumentation pour s’opposer à la dépendance à l’égard des armes nucléaires en faisant valoir son caractère inconciliable avec notre humanité commune. Cet argument est étayé par d’autres éléments du DIH et par l’impératif, lié aux droits de l’homme, de parvenir à un désarmement nucléaire.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge sont considérés comme des autorités de premier plan en matière de respect du DIH. Ces organisations ont porté une attention particulière à l’application du droit international humanitaire aux armes nucléaires et à l’impératif de désarmement nucléaire qui en découle. Citons à cet égard les déclarations du CICR aux Nations Unies et à la Cour internationale de justice (1995), ainsi que les résolutions adoptées par le Conseil des délégués du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en 1948, 1952, 1957, 1965, 1969, 1977, 1981, 2009 et 2011. Dans sa résolution de 2011, le Conseil des délégués « peine à concevoir comment l’emploi, sous quelque forme que ce soit, d’armes nucléaires pourrait être conforme aux règles du droit international humanitaire, en particulier aux règles relatives à la distinction, à la précaution et à la proportionnalité » et, en conséquence, il appelle les États à « poursuivre de bonne foi et mener à terme sans tarder et avec détermination des négociations en vue de conclure un accord international juridiquement contraignant pour interdire l’emploi des armes nucléaires et parvenir à leur élimination totale, sur la base des obligations internationales et des engagements existants ».

Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (2017) considère dans son préambule que « tout emploi d’armes nucléaires serait contraire […] au droit international humanitaire » et réaffirme en outre que « tout emploi d’armes nucléaires serait inacceptable au regard des principes de l’humanité et des exigences de la conscience publique », arguments qui ont une valeur à la fois juridique et morale. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles le traité a pour objectif d’établir « une interdiction des armes nucléaires juridiquement contraignante ».

Dans son Observation générale n° 36, le Comité des droits de l’homme de l’ONU (voir plus haut) souligne que le droit à la vie est applicable au désarmement nucléaire en déclarant que les États « doivent également s’acquitter de leurs obligations internationales de poursuivre de bonne foi des négociations conduisant au désarmement nucléaire sous un contrôle international strict et efficace et d’accorder une réparation adéquate aux victimes dont le droit à la vie a subi ou subit les incidences négatives de l’essai ou de l’utilisation d’armes de destruction massive, conformément aux principes de la responsabilité internationale ».

Cette page fait partie du guide d'action parlementaire "Défendre notre avenir commun".
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